Sur les sentiers peu connus entre Vero et Tavera

La plupart des randonneurs qui s’élancent du col de Tartavellu à Vero prennent la direction du Sant’Eliseo. Chemin plus simple et moins abrupt que par Tavaco pour rejoindre ce magnifique sommet. Pourtant, de l’autre côté, un sentier propose de prendre la direction nord vers Vizzavona. C’est par là que nous nous sommes aventurés.

Le chemin n’est pas très clair au début et semble emprunté uniquement par quelques chasseurs. Vous pouvez d’ailleurs le rejoindre le plus facilement en prenant la piste, un peu plus bas le long de la route quand l’on vient de Vero.

Toujours en crête, le chemin commence sous les arbres mais de temps à autre quelques trous dans la végétation laissent apparaître la vallée de la Gravona dans un magnifique panorama.

De pointe en pointe

On rejoint rapidement un premier sommet, la Punta Falconaja qui culmine à 967 mètres. Le sentier mène de sommet en sommet et monte légèrement à chaque fois. Il devient de mieux cairné et identifiable dès la Punta di a Malandrina même s’il reste tout de même bien clair au départ.

On rejoint rapidement un premier sommet, la Punta Falconaja qui culmine à 967 mètres. Le sentier mène de sommet en sommet et monte légèrement à chaque fois. Il devient de mieux cairné et identifiable dès la Punta di a Malandrina même s’il reste tout de même bien clair au départ.

Sur la crête, le panorama donne un coup vers l’est ou vers l’ouest, offrant de beaux points de vue. Il est assez simple de rejoindre la Punta Baricci à 986 mètres. Un sommet complètement sous les pins. Là le chemin semble disparaître. Mais une fois sur la pointe, on peut descendre à gauche et retrouver des cairns qui mènent au sentier qui relie Vignamajo à Tavera. De là, il est possible de rejoindre la punta Grossa à 1049 mètres d’altitude.

Une sorte de gros block de granit posé en altitude et offrant de magnifiques points de vue. Pour cette fois, nous avons stoppé notre périple à cet endroit. Mais il est possible de continuer le chemin en suivant la piste qui monte depuis la RN200 jusqu’à Bocca a e Sambuche, site emblématique des batailles de Mazzeri…

Ce que l’on peut lire sur place

Le col de a Catarazza est un des lieux où la tradition orale situait une des batailles nocturnes qui opporaisant les mazzeri du Cruzinu et ceux de la haute vallée de la Gravona. Les mazzeri sont des personnes vivantes qui, en esprit, se rendent dans le monde des morts. En rêve, ils vont apprendre les lois secrètes qui régissent le sort des hommes mais aussi que le corps humain n’est qu’un simple réceptacle où, le temps d’une vie, s’unissent l’âme et l’esprit (ànima è corpu à spiritu). La mort est la séparation de ces trois éléments (corps, âme et esprit).

Le mazzeru est celui qui applique les lois du destin décidées avant la naissance de chacun, sorte de trame qui emprisonne l’individu et contre laquelle toute révolte est inutile.

C’est en rêve encore qu’il accède à cet “intermonde”. Les rêves les plus fréquemment mentionnés sont des rêves de chasse. Il se voit à la chasse où il poursuit un animal. Parfois, ces chasses présentent l’aspect de battues et les mazzeri prennent souvent celui des chiens. En blessant l’animal, ils provoquent des maladies graves, en le tuant, l’issue est fatale. L’esprit ainsi éliminé ira, dans un délai variable, rejoindre le monde des morts.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août, les mazzeri de chaque pieve combattent les uns contre les autres. De l’issue de la bataille dépendra la mortalité de leurs villages respectifs.

Cette date, quarante jours après le solstice d’été, correspond à un ancien calendrier. Il s’agissait d’une sorte de fin d’année car les deux principaux cycles agro-pastoraux (celui des bergers avec la production de fromages et celui des céréales avec les moissons) se terminaient à cette époque de l’année.

Au-dessus du col (bocca) de Catareddi, la tradition orale situait une de ces batailles nocturnes.

D’Ucciani à Tavera par les sentiers

Je vous ai déjà promené de Peri à Carbuccia, Carbuccia à Ucciani puis de Tavera à Bocognano. Dans la logique il y a un trou dans mon chemin. Il fallait le boucher, retour donc à Ucciani pour rejoindre Tavera !

Dans la Haute-Gravona, on peut relier tous les villages du versant Est par les sentiers. Au milieu des vieilles bâtisses en pierres, qui épousent un relief plutôt pentu au hameau de Crucoli à Ucciani, les traces jaunes nous indiquent que le sentier, débuté à Carbuccia, continue.

Passons le pont et les cochons, curieux mais peureux, puis continuons en direction des jardins potagers en contre-bas. Là d’autres maisons, d’anciennes “casettes”, sont parfois abandonnées au bord du ruisseau, signe, comme ailleurs, d’une activité économique oubliée.

On croise d’autres sentiers qui par manque d’entretien ont disparus mais permettaient de rejoindre les autres villages sans jamais fouler le bitume. Après le centre historique du village, sous le clocher, on serpente dans les ruelles pour rejoindre la route.

Rien de tel pour remplir les sacs à dos. Suivant les périodes, les fossés nous offrent de l’ail, des asperges, des champignons et bien d’autres fleurs et plantes à déguster ou à admirer.

Guidé par les murs de pierres, on profite des bois pour rejoindre la chapelle Saint Antoine de Padoue, ou Sant’Antone di Tuschini. Elle fut construite en 1908 sur un ancien oratoire médiéval dont une pierre se trouve encore au centre de l’édifice (au dessus de la porte). Les ruines alentours montrent l’existence d’un village, celui de San Antonio, qui a été abandonné avec le temps.

La suite du parcours est agréable. Entre ruisseaux et bois, on coupe et recoupe la route pour rejoindre Tavera par la fontaine de Pietra Grossa.

Sur les crêtes entre Gravona et Prunelli

Lorsque j’avais réalisé la randonnée en direction de la punta Tirulellu, sur la crête Est de la Haute-Gravona, j’avais remarqué que le sentier continuait à serpenter bien au delà de ma vision.

Et lorsque j’avais réalisé l’Alcudina au départ de Cuttoli, plus bas dans la vallée, mais situé sur la même crête, le sentier continuait également vers le Nord… donc forcement, m’est venu l’idée que ces deux sentiers devaient se rejoindre quelque part !

La carte n’est pas très claire à ce sujet, restait donc à vérifier par soit même ! Figurez-vous que ces deux chemins se rejoignent bien, entre Peri et Carbuccia, et qu’en plus les panoramas, de part et d’autre de la crête, sont à couper le souffle, comme toujours (ah ah !).

Certes le chemin est long, il faut compter une journée complète pour un randonneur ayant l’habitude du dénivelé. Car de sommets en sommets on cumule pas moins de 1560 mètres de positif… Ça tire sur les mollets mais les yeux se régalent.

En passant à bocca di i Catareddi, un panneau nous indique que ce lieu servait autrefois pour les batailles nocturnes des mazzeri.

D’un côté, l’œil se pose sur une vallée de la Gravona conquise par des constructions qui serpentent autour du fleuve. Entre forêts, villages, hameaux, nationale et tout au bout, l’aéroport et la ville d’Ajaccio, surplombe le Monte Gozzi. De là haut, il semble perdre un peu de sa magnificence et d’altitude.

De l’autre, c’est plus sauvage. Le maquis s’étend partout sur l’horizon. Au loin le village de Bastelica semble coincé dans la vallée. Au dessus, la Scaldasola est enneigée. On imagine assez facilement qu’à la station d’Ese, juste à côté, les amoureux de la neige s’en donnent à cœur joie. Plus bas, une étendue d’eau s’incruste dans le paysage: Le barrage de Tolla scintille sous le soleil.

De chaque côté des sommets de toutes formes, toutes tailles, blanc, noir ou gris, dépassent en toile de fond et il n’est pas toujours évident de les identifier.

Rapidement je me retrouve avec les pieds dans la neige alors que j’entame l’ascension du Tirulellu par la face Sud, beaucoup plus raide que par l’autre côté. Il ne reste ensuite qu’a rejoindre le col de Scalella par un sentier en corniche vraiment très beau !

Bref, si vous voulez vous en mettre plein la vue et faire une “vraie” randonnée, je vous conseille ce parcours.

Attention toute fois, pensez-bien à placer deux voitures, sinon le retour sera long ! Si vous vous le sentez, et en se renseignant sur les horaires avant, vous pouvez revenir à Cuttoli par le train au départ de Tavera. Du col de Scalella, vous pourrez rejoindre Tavera en passant par l’ancienne chapelle San’Polu. Ainsi vous laissez une voiture à la gare de Mezzana et l’autre au départ de la randonnée à Pedi Muredda.

De Tavera à Bocognano sans le bitume

Il fut un temps pas si lointain où marcher d’un village à l’autre n’était pas qu’un passe temps. Beaucoup des sentiers que l’on emprunte dans les plaines sont les restes de ces chemins, parfois muletiers, créés pour des raisons souvent économiques et commerciales.

Aujourd’hui la route remplace la plupart de ces sentiers dont les secrets (architecturaux) disparaissent doucement, oubliés.  Pourtant nos ancêtres avaient su s’adapter au paysage et aménager comme il se doit les chemins pour rendre plus simple leurs déplacements.

Les villages de la haute Gravona étaient tous reliés par des sentiers dont la plupart sont toujours existants ! Entre Peri et Carbuccia, Carbuccia et Ucciani, Ucciani et Tavera, Tavera et Bocognano… C’est sur ce dernier que je me suis rendu dernièrement un peu par hasard.

Vous savez, ces journées où vous préféreriez pantoufler à la maison malgré le rayon de soleil, mais votre raison vous chuchote toutes les deux minutes “sors”… “sors”… “sors”… de manière incessante… “sors”…
Vous finissez par abdiquer, mais sans aller trop loin !

Et là, c’est la surprise. Si le choix du sentier n’était qu’un prétexte, je suis bien content de l’avoir découvert. Il offre en effet de beaux panoramas sur la haute Gravona et longe les vestiges d’une économie locale disparue. Des murs, des maisons, des terrasses cultivées, et même, une ancienne gare, aujourd’hui en ruine. Plus personne ne devait s’aventurer dans le secteur pour travailler…

Depuis la gare, nous pouvons longer la voie de chemin de fer et découvrir un pont aux proportions impressionnantes. Chapeau aux bâtisseurs des chemins de fer de la Corse qui, dans les années 1900, ont réalisé des prouesses techniques pour qu’enfin Bastia et Ajaccio soient accessibles par la voie ferrée.

Plus loin, entre les exploitations porcines, se trouve un pont de singe, qui ne doit pas être si vieux, mais qui fera le plaisir des enfants (et des grands ?).

Le petit plus, si vous ne l’avez toujours vu, ou si vous ne pouvez vous en lasser, le sentier se termine non loin du départ pour la cascade du voile de la mariée. Allez y jeter un oeil, histoire de mesurer le débit !

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En route pour les pozzi du Pozzolo

En bons habitués de ce blog, vous connaissez déjà le phénomène des pozzi dont je vous ai parlé lors d’une randonnée aux pozzi des pozzines de Bastelica. Un peu par hasard, j’ai appris qu’il y avait des pozzi à la source du ruisseau Pozzolo, un ascendant du Prunelli. Mais il m’a été très difficile de trouver des renseignements sur le parcours qui y mène, mis à part que le site est très peu fréquenté. Boudé au profit des pozzi de Bastelica, de Ghisoni où encore du Lac de Nino.

Grâce à une magnifique carte IGN, j’ai pu trouver un tracé plus ou moins correct. En route donc pour le col de Scalella sur la commune de Tavera. Au col, qui se situe entre les villages de Tavera et Bastelica, se trouve une longue piste que j’ai pu parcourir en grande partie avec mon destrier tout-terrain : la Panda. Malheureusement pour elle, le terrain était trop accidenté pour aller jusqu’au bout et la pauvre bête n’en pouvait plus d’agiter ses quatre roues… il faut savoir respecter l’âge du véhicule…

Je continue donc à pied! Rien ne vaut des chaussures bien affûtées. La carte montre une variante qui permet de quitter la piste et de profiter des sentiers. Le chemin n’est pas très visible mais heureusement quelques cairns traînent par ci par là.

Très vite on se retrouve à assez haute-altitude, 1600 mètres en moyenne. En dessous j’aperçois les bergeries du Verdanese. J’arrive à un premier sommet qui donne l’impression d’être au dessus de tout. Au loin le massif du Monte d’Oro se dresse fièrement. Nous ne sommes qu’à la mi-mai mais il a déjà retiré son manteau blanc. Plus au fond, j’aperçois même le sommet de la Paglia Orba sur le massif du Cintu.

Je rejoins plus loin la piste et continue mon ascension en direction des Pozzi. Seulement là, il y a un problème… je n’arrive plus à me repérer sur la carte. Où suis-je? Je cherche un moment et décide de continuer un peu voir où mène cette piste (qui n’est peut-être finalement pas la bonne).

Plus loin les ruines d’une bergerie pointent leur nez. Je m’y rends pour faire quelques photos quand tout à coup, c’est la délivrance! Mon téléphone m’annonce qu’il reçoit un texto… et par conséquent qu’il capte le réseau. J’en profite pour regarder la carte sur le GPS. Je suis aux ruines des bergeries de Penta. Mais une des maisons a été magnifiquement restaurée et possède même un four en pierres à l’extérieur.

Ayant retrouvé mon chemin, je poursuis vers le massif du Renoso où le ruisseau Pozzolo prend sa source. Je croise finalement un panonceau de bois indiquant les deux sentiers : à gauche, Bocognano, à droite le col de Vetta, par déduction j’en conclus que c’est par ce second sentier que j’arriverais à destination. Sans compter que ce nom ne m’est pas inconnu. Lors de ma sortie aux bergeries de Capiaghja je me demandais à quoi correspondait le panneau « a Vetta ». Il se trouve que c’est un col qui permet de rejoindre le massif et le plateau du Renoso, étape clé du fameux Fra li Monti (GR20).

Après 2 h 30 de marche, j’approche enfin des pozzi. Je les aperçois au loin. Heureusement depuis le panneau, les cairns se font très fréquents et il y a même des balises de couleur sur les rochers. Je me laisse guider jusqu’aux herbes denses des pozzi. Le site est à couper le souffle. Au pied des falaises, à presque 2000 mètres. La neige est encore présente et parfois même abondamment. La carte m’indique que je suis au pied du Monte Capanella, qui culmine à 2250 mètres.

Après un repas bien mérité au coeur des pozzi, je rentre tranquillement par plus ou moins le chemin (je décide de suivre la piste dans son intégralité pour rentrer).

Ce parcours mène en fait au lac de Bracca par le col de Vetta. Mais il faut compter 1 h 30 à 2 h en plus depuis les pozzi. De là, paraît-il, on peut même apercevoir le lac de Vitalaca, où le fleuve du Prunelli prends sa source.

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