J’ai marché sur un géant

À quelques kilomètres d’Ajaccio, dans la plaine de Peri, il existe un géant qui par sa taille impressionne et laisse bouche bée chaque esprit qui ose s’attarder sur sa splendeur. Ce géant, plus communément appelé “Rocher des Gozzi” ou “Mont Gozzi” domine le village d’Afa et ses alentours. Comme un énorme morceau de roche qui chercherait son indépendance, il se détache de la montagne et se démarque par sa couleur ocre et son absence de verdure. Totalement fait de roches déformées par le vent, il m’a intrigué dès mon arrivée pour les formes qu’il affiche lorsque le soleil se couche derrière lui et plonge la vallée dans la pénombre. A force de le voir à travers ma baie-vitrée et de m’imaginer bâtir une maison sur son dos, j’ai décidé d’aller à sa rencontre pour connaître tous ses secrets.

C’est donc armé d’un peu d’eau et de mon couteau que j’ai sellé mon 4×4 pour rejoindre la piste qui mène au Mont Gozzi. Mais après quelques kilomètres, une barrière bloque le chemin. Mon destrier ne peut pas me suivre et c’est donc à la force des jambes que je continue mon ascension vers le colosse. Au loin je l’aperçois, mais c’est également toute la vallée de la Gravona que j’ai sous les yeux. Des montagnes à l’ouest jusqu’à la mer à l’est, rien n’est assez haut pour me cacher la vue. Je domine la plaine et aperçois mon chez moi tout en bas. Finie la pause, il ne faut pas oublier l’objectif, sans compter que la nuit tombe très vite en automne. Je reprends donc mon parcours solitaire les yeux remplis d’images.

Le voilà, c’est le sommet, tout d’un coup le décor se métamorphose, du maquis dense et peu accueillant, me voilà au milieu d’un immense jardin verdoyant d’une herbe grasse et touffue. Au milieu de cette plaine, une bâtisse de vieilles pierres s’élève, malheureusement elle n’a pas supporté le poids des années, il n’en reste que la structure. Vestige du temps où des bergers occupaient les montagnes.

La falaise n’est pas loin, je passe le gouffre qui sépare la montagne du géant et je m’avance jusqu’au bord. Encore quelques centimètres et c’est la chute. A sept cents mètres, au sommet de la falaise, sur le dos du géant, j’ai accompli ma mission. Le spectacle me fait asseoir… enfin si l’on peut dire, car il ne fait pas bon poser ses fesses sur le rocher. En effet les chèvres, taquines, on miné le colosse de leurs crottins….
Je reste donc là debout quelques instants pour profiter de la vue. Deux aigles tournent au-dessus de moi. Le soleil commence à descendre, il faut y aller. En repartant, je remarque ça et là les vestiges de ce qui aurait pu être une fortification ou la base d’une tour. Mais rien de très explicite.

Dans le secteur de la Parata

La Parata, mais si, souvenez-vous, c’est la pointe nord du golfe d’Ajaccio. Là où se trouvent les îles Sanguinaires. Juste avant la presqu’île dominée par la tour de la Parata, on remarque sur la droite, depuis la route, un petit sentier qui s’éloigne sur le versant opposé de celui d’Ajaccio. Curiosité oblige, j’ai été suivre ce sentier. Visiblement très pratiqué, ce chemin amène tout d’abord à des sortes de cabanes ou maisons faites de matériaux récupérés par-ci par-là et qui servent de cabanon de plage à leurs propriétaires. Car en effet, si l’on s’attarde un minimum sur le décor qui nous entoure, on découvre rapidement qu’il n’y a aucune habitation ou même un semblant de civilisation (mis à part le sentier et ces deux ou trois cabanes) dans les parages.
Je trouve cela très fort, vous connaissez beaucoup de villes, aussi grosse et importante qu’Ajaccio (capitale de Corse-du-Sud), ou après deux minutes de trajet en voiture, on peut se retrouver dans un milieu totalement sauvage! Impressionné, je reprends mon chemin. Entre chaque sommet, une corniche perchée à soixante dix mètres au-dessus de la mer qui ce jour là, était assez agitée. Ce qui donnait un air très agréable à ma petite excursion. Je suis seul, personne n’emprunte donc ce sentier? Tant mieux, je peux profiter de la douceur du soleil, m’asseoir un peu, au bout d’une corniche. Seul face à la mer qui s’écrase contre les rochers sous mes pieds. En cet instant inoubliable et avec cette impression d’être infiniment petit, c’est avec délectation que je savoure de mon sandwich Comté/Beurre/pain de seigle.

Finalement, j’arrive à un sommet. La pente est très abrupte. En dessous, toujours la mer mais de l’autre côté, c’est une plage que j’aperçois. Cernée par un petit village de quelques privilégiés vivant au milieu de nulle part. Et pourtant à à peine une heure d’Ajaccio. Mon fidèle ami, le guide des sentiers de Corse-du-Sud m’informe, et c’est tout à son honneur, que j’ai sous les yeux la plage de Saint-Antoine. Arrivé là, le sentier se termine, et sous les arbousiers remplis de fruits, je dois faire demi tour pour rentrer à la voiture.

Panoramique d'une petite crique
Vue sur le sentier
360° sur une pointe

Au détour des Tours

Un des joyaux du patrimoine Corse. Les tours génoises, bâties entre 1530 et 1600 sont présentes sur tout le pourtour de l’île et sous des formes plus ou moins différentes. Aujourd’hui une soixantaine sont encore visibles dans leur quasi-intégralité alors que plus d’une centaine avait été construite par ce peuple de travailleurs de pierres qu’étaient les Génois.

Elles servaient autrefois à prévenir, grâce à un feu au sommet, de l’arrivée de navires hostiles. Chaque tour est visible d’au moins une autre tour. Ce qui permet de pouvoir toujours passer le message d’invasion éventuelle d’une tour à une autre.

J’ai été curieux de voir et pourquoi pas, de visiter ces vestiges d’un temps noble qui ont réveillé l’intérêt qui est le mien pour la guerre et les châteaux forts dont mes playmobils se rappellent encore… Je suis donc aller visiter certaines tours de la région dont voici quelques photos :

La tour de Capitellu
Sur la plage de Campo del Oro, juste en face de l’aéroport d’Ajaccio, la tour garde le golfe. C’est une des plus trapues, ce qui lui donne un air de “boudin” caché derrière les dunes de sable. Entourée de figuiers de barbarie en fleurs, d’oliviers ou encore de cactus, mais aussi, et c’est assez surprenant, de restes de bunkers qui datent de la dernière guerre. Ce site doit être vraiment stratégique!
La tour d’Isulella
Non loin de la précédente, cette tour se trouve entre Porticcio et la plage de Mare e Sol. Après une promenade d’une demi-heure, j’ai pu me retrouver au pied de cette tour logée au coeur d’une petite clairière de maquis. On peut voir que les Génois avaient tout prévu, un barbecue et quelques marches permettent de faire de ce site un parfait coin de pique-nique. A moins que tout cela n’ait été réalisé après sa restauration?
La tour de la Parata
Cette tour est située sur la pointe de la Parata tout au bout du golfe d’Ajaccio. Je l’avais déjà photographiée, mais au détour d’une promenade dominicale aux îles Sanguinaires, j’en ai profité pour reprendre quelques clichés de cet endroit magique.
La tour de Sagone
Au détour d’un virage à l’approche de Sagone, si vous venez de Cargèse, cette tour qui se dresse juste au dessus de la route nous présente une drôle de grimace. En montant vers elle, si l’on passe dans son dos, on peut voir que les marques du temps lui ont forgé un visage de pierre avec une étonnante expression d’étonnement. Étonnant non?!
La tour d’Omigna
Certainement une des plus belles promenade que j’ai été amené à faire. L’ascension vers cette tour, située sur une presque-île proche de Cargèse, se fait en une petite heure par un sentier de berger. En passant de décor en décor on aperçoit au loin la tour qui se rapproche, comme voguant sur les flots. Une fois à son pied, c’est Capu Rossu, la limite nord des calanques de Piana, que l’on distingue d’un côté et de l’autre, c’est le profil des îles Sanguinaires qui se dessine.
Belle surprise, de l’entrée, une sangle est pendue. Je me lance à l’aventure et escalade le versant sud de la tour et me retrouve à l’intérieur. Encore un petit effort et me voilà sur son toit. Une impression de grandeur, mais aussi de vertige, le vent souffle et il ne faudrait pas tomber! Au loin la mer à perte de vue. D’ici je vois tout, rien ne m’échappe. Pendant quelques minutes me voilà revenu six siècles en arrière, à guetter les navires qui pourraient se profiler dans les golfes qui m’entourent.

Panoramique de ce qu'on voit d'en haut

Promenade Ajaccienne

Les températures chutent de jour en jour, les nuages nous montrent de plus en plus leur magnificence et le tonnerre gronde dans les hauteurs : l’automne arrive. Et pourtant, le week-end, la douceur de l’air nous invite toujours à sortir et à découvrir les alentours. Seulement, on part moins loin. Pour ne pas se retrouver trempé et perché à deux kilomètres de la voiture. Mais par chance, la région ajaccienne est pleine de ressources. Mon nouvel ami : le guide des randonnées et sorties du pays ajaccien est là pour me le rappeler.

C’est donc entre deux orages, qu’en suivant les indications, j’ai pu me promener sur les auteurs de Mezzavia en banlieue d’Ajaccio. Plus précisément au Mont Sant’ Anghjelu : le mont du Saint Ange où l’ange en question a été remplacé, pour je ne sais quelle curiosité, au sommet de cette montagne qui culmine à 270 mètres, par une antenne relais… métallique, rouge et blanche… cherchez l’erreur?

Toutefois dépaysante et relaxante, la promenade nous emmène au-dessus des plus hauts quartiers de la banlieue où la vue est, comme toujours, très agréable. Malgré le tonnerre qui gronde dans les montagnes au loin et rapproche petit à petit son ombre sur nos têtes, c’est aisément que l’on s’assoit pour admirer le paysage. D’un côté, après les vignes et quelques dunes, c’est la cité impériale qui se dessine. Ajaccio nous présente son port, sa rocade et son centre ville qui grouille comme une fourmilière.
Non loin de là, on observe l’aéroport Napoléon Bonaparte où le décollage d’un avion se confond avec les bruits du tonnerre qui gronde dans la vallée du Prunelli, cachée par un impressionnant rideau de pluie. De l’autre côté, la plaine de Peri et Mezzavia en contre-bas. En quelques minutes je repère mon petit chez-moi, minuscule au coeur d’une si grande plaine que le rocher des Gozzi domine sur la gauche.

Vous vous le demandiez certainement, mais oui effectivement j’ai encore fait de drôles de rencontres, et notamment un bébé tortue que ma semelle a épargné (pfiou) et qui s’est empressé de se cacher à mon arrivée. Décidément!

De là haut, en bonne compagnie, je savoure et apprécie encore un peu plus la région qui m’a accueilli il y a maintenant presque cinq mois. Et même si la vie dans le foyer familial me manque toujours un peu, c’est le sourire aux lèvres et l’esprit serein que j’ai repris le chemin de la voiture où les premières gouttes de pluie se sont fait sentir.

Le Cerbère de la plaine de Peri

Peri, un des plus anciens et des plus importants villages de la vallée de la Gravona nous offre, du haut de sa montagne, une plaine splendide qui se jette dans le golfe d’Ajaccio. La beauté de son fleuve et de son maquis en ferait un endroit exceptionnel s’il n’y avait cette ombre inquiétante planant sur la vallée…
Avant d’arriver dans cette région j’ignorais qu’elle était à ce point hostile, j’avais pourtant déjà eu vent, par d’autres voyageurs, de la fameuse “Légende de la plaine” qui terrorise encore de nos jours beaucoup de villageois.
On rapporte en effet que depuis l’antiquité, on se garda de raconter toute la véritable histoire d’Hercule et de son avant-dernière tâche. Celle-ci consistait à capturer Cerbère, le chien à trois têtes qui gardait les Enfers, et de le ramener vivant à Eurysthée, roi de l’Argolide. Ce dernier en fut tellement effrayé qu’il demanda à Hercule de ramener la bête à Hadès dans les entrailles de la terre.
Dans les textes anciens, l’histoire s’arrête ici, mais dans la plaine c’est une toute autre version qui se fait entendre. Il paraîtrait qu’Hercule, le demi-dieu, ait en réalité fait une escale en Corse avant de retrouver les Enfers pour finalement y laisser la bête infernale.
A bord (en selle?) de mon fidèle destrier (bleu) j’ai parcouru les villages alentours en quête d’informations sur cette mystérieuse légende… Pourquoi donc Hercule aurait fait escale en Corse? Et pourquoi depuis, la population vit dans la peur et la méfiance?
Au fur et à mesure de mon enquête, je remarque que les gens deviennent de plus en plus méfiants, ils m’évitent, ils se cachent, les volets et les portes se ferment à mon arrivée comme si, à mon passage, la vie se suspendait dans les villages. Petit à petit, je commence à comprendre que quelque part, autour de moi, guette le mal qui hante cette région… Finalement, au détour d’un petit bar, un vieil homme sombre au fond de la salle me révèle la clé de l’histoire…
« Regardez bien cette esquisse, Hercule abusant du pastis, et repartant les bras ballants, seul et titubant… »
Hercule avait laissé sur cette terre son horrible créature à cause de la trop bonne hospitalité des Corses…
Le vieil homme m’apprit par la suite que la bête n’était pas morte, elle continuait de surveiller et de garder, prenant la plaine pour son territoire. Elle aurait aujourd’hui changé de forme et serait en réalité très proche de mon entourage. A ces mots j’ai tout de suite compris que cette horrible créature n’était autre que … « Titou » !! Le féroce félin qui niche dans le jardin de mes amis. Heureusement je m’en suis fait un bon compagnon, aujourd’hui il ne me lâche plus et surveille chacun de mes pas. Terreur des mouches et des lézards… Il fait trembler d’un miaulement… les fourmilières…

A vous de constater :

Le Cerbère de la plaine de Peri